Jeux de mains
Une année révolue et (mal)heureusement toujours aussi vrai. Malheureusement bien évidemment et heureusement parce que tous ces événements m’a emmené ce matin à ressortir des cartons l’excellent projet de mon…
Une année révolue et (mal)heureusement toujours aussi vrai. Malheureusement bien évidemment et heureusement parce que tous ces événements m’a emmené ce matin à ressortir des cartons l’excellent projet de mon…
Définition d’absurde : adjectif pour qualifier ce qui est contraire à la raison, au bon sens et à la logique.
L’absurdie est probablement le 8ème continent, le dernier né après le 7ème, celui formé par les quelques 1800 milliards de déchets plastiques qui polluent nos océans. Ce continent flottant s’étale sur une surface équivalente à trois fois celle de la France et rassemble quelques 750.000 débris de plastique par km². Probable que ces chiffres mirobolants ne fassent, au final, que pâle figure en face de ceux du continent de l’absurdie. Immatériel, nous avons pourtant chacun d’entre nous nos deux pieds bien ancrés dessus. ALIDADE retrace par ci par là et par intermittence ces petites phrases, décisions et accords des grands de ce monde, ou encore projets de lois, sans aucun bon sens ni raison, et qui, assemblés forgent tous les jours un peu plus ce 8ème continent. Sans raison, bon sen et logique, sans questionnement profond, nous deviendrons tous des absurdiens, tous citoyens et spectateurs d’un monde devenu absurde.
La centrale à charbon la plus émettrice de gaz à effet de serre d’Allemagne (Neurath) émet à elle seule avec ses 7 unités de production, 32,2 millions de tonnes de CO2. Un jour, un illustre Twittman inconnu, décide d’attacher aux pattes de l’oiseau digital bleu le message suivant : « Spoiler : oui, une seule centrale à charbon en Allemagne émet plus de CO2 que tous l’aérien français, intérieur et international réunis. L’Allemagne compte plus de 80 centrales à charbon … ». Après vérification, l’information contenue dans ce message est vraie. Selon le Ministère de la Transition Ecologique, les emissions de gaz à effet de serre liées au transport aérien s’élèvent à 22,7 millions de tonnes. Et l’oiseau digital bleu a ce pouvoir incroyable de diffuser ce message en 1/10ème de seconde à tous les absurdiens, et tous les absurdiens s’en font écho et ont le pouvoir de le partager jusqu’à ce qu’il soit relayé sur les ondes. Incroyable. Si vous regardez bien, ce message se conclue par trois points de suspension. On pourrait mettre ces points sur le compte de la limite de caractères imposés. Et oui, l’oiseau bleu est tout petit, il ne peut pas porter des messages bien lourds. 140 caractères maximum, une légèreté qui suffit et rajoute encore un peu plus d’absurdité aux messages rédigés. Mais, ces trois points de suspension n’ont peut-être pas été utilisés que pour signifier qu’il y avait beaucoup à dire mais que malheureusement c’était impossible. Sauf que si l’on y regarde de plus près, ces trois points de suspension ont été judicieusement placés après le chiffre annoncé et cinglant de 80. Au final, c’est sûrement le moyen de dire : « je vous laisse réfléchir à ça ». Sur 140 caractères maximum il est impensable d’en sacrifier trois sans arrière -pensée. Alors soyons joueurs et réfléchissons. Opposer centrales à charbon et transport aérien est absurde. Comparons les usages. Même si la finalité, en termes de conséquences, concernant le rejet dans l’atmosphère de CO2, est la même, comparer leurs proportions n’a pas de sens quand on s’en réfère aux usages. Une centrale à charbon sert à produire de l’énergie, le transport aérien ne fait qu’en dépenser. La centrale à charbon Allemande sert à éclairer et chauffer la population, le transport aérien sert à déplacer des individus d’un point à un autre. Alors est-ce que comparer les conséquences en termes de gaz à effet de serre à réellement un sens ? Absolument pas. Le sens de la réflexion doit être ailleurs.
Ces trois points de suspension font sûrement référence aux discussions actuellement en cour et concernant la suppression en France des vols intérieurs pour des distances et des temps de vol qui pourraient être comparables à ceux du train. Sous-entendu, là où il y a des trains, il n’y aura plus d’avion. Le message pourrait être interprété de la façon suivante. Si une seule centrale à charbon Allemande rejette autant de gaz à effet de serre sur une année que le transport aérien national et international, alors commençons par demander aux Allemands de couper leur central avant de supprimer les lignes aériennes intérieures. J’en reviens aux usages. Si l’on se place de ce point de vue, il est possible de reformuler cette interprétation de la manière suivante : si les Allemands acceptaient de vivre dans le noir et le froid alors les Français pourraient continuer à voler à l’intérieur de leurs pays. Absurde … encore une fois.
A ce niveau de réflexion intervient le jugement moral. Entre la centrale à charbon allemande et l’avion de ligne intérieure français, si l’on est donc obligé de faire un choix, quel choix faire ? Entre une grand-mère et ses petits-enfants allemands, plongés dans l’obscurité et le froid, et un jeune couple de parisiens français qui décide de prendre l’avion pour partir surfer le temps d’un weekend à Lacanau, qui doit-être sacrifié ? La grand-mère ou le jeune couple ? Encore une fois si l’on s’en réfère aux usages, c’est probablement le choix de la centrale qui l’emporte, nous sauvons la grand-mère. Enfin, dans la majorité des cas. Certains lecteurs cyniques de cet article auront sauvé le jeune couple. Question de morale, et c’est bien là tout le problème. Ces petites phrases de 140 caractères à peine, sont bien plus lourdes de conséquences qu’on y pense. Cette phrase qui nous pousse de manière absurde à arbitrer entre une centrale et un avion, fait appel à notre sens moral. Et si cette centrale était vue comme le principal fournisseur d’une usine d’armement et que l’avion était lui vu comme le moyen de transport le plus simple et rapide trouvé par le jeune couple pour aller assister aux funérailles d’un proche parent ? Le choix s’inverserait ?
Pour aller plus loin dans les conséquences abyssales de la réflexion, en faisant le choix de la centrale à charbon, donc de supprimer les avions, il faudrait multiplier les trains. Tous ces trains qui en France circulent grâce à une électricité majoritairement issu du nucléaire. Et donc ? Faut-il comparer les problématiques de stockage des déchets nucléaires pour arbitrer les émissions de gaz à effet de serre de la centrale ?
Plus la réflexion avance, plus tout devient absurde et nous conduit dans un abîme qui finit dans une impasse. Le seul moyen de sortir de l’absurdité c’est de puiser dans le bon sens. Décroissance et raison sont encore une fois les clés. Nous avons tous le droit et besoin de nous chauffer, de nous éclairer et de nous déplacer. Sans superflu, quand c’est nécessaire, de manière raisonnée, utilisons les centrales (tant que le mix énergétique n’a pas trouvé son équilibre), choisissons justement nos moyens de transport et continuons à prendre l’avion ou le train. Mais ne réalisons pas un choix arbitraire pour un objectif arithmétique.
Continuer de poster des petites phrases pour fabriquer des « punchline » déposées au hasard et à la merci des partages sauvages sans réflexion c’est construire encore un peu plus ce 8ème continent.